Être ou ne pas être... un barbare

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Dans le travail en commun que nous avons commencé pour la réflexion sur l'avenir de notre Eglise, un mot est ressorti : ouverture. Le souhait du plus grand nombre est que notre Eglise soit caractérisée par l'ouverture. C'est très bien ! Mais qu'est-ce que ça signifie, et qu'est-ce que ça implique concrètement ?

Je me suis demandé quel texte biblique pourrait nous éclairer sur la question. Et j'ai pensé qu'un contre exemple pourrait être stimulant ! L'Eglise de Corinthe ! Une Eglise qui manquait visiblement d'ouverture tant les « super spirituels » qui la dirigeaient étaient centrés sur leur propre personne, tant l'absence de vie communautaire était criante, gangrenée par des rivalités allant jusqu'aux procès entre frères, tant leur façon de vivre le culte les éloignait des non croyants.

Dans 1 Corinthiens 14, l'apôtre Paul donne des recommandations pour remettre de l'ordre dans cette Eglise. Laissons-nous interpeller à notre tour !

Lecture biblique : 1 Co 14.6-12

Derrière les questions spécifiques liées aux dons spirituels, et en particulier le parler en langues et la prophétie, ce texte aborde plus largement la question de l'Eglise et la façon de vivre le culte.

Et Paul, comme à son habitude, n'y va pas de main morte en faisant comprendre que le comportement des Corinthiens est aussi inutile que des instruments de musique qui donneraient des sons indistincts, aussi vide que des paroles en l'air. Dans un tel charabia, les croyants apparaissent comme des barbares :

« Si je ne connais pas le sens d'un langage, je serai un barbare pour celui qui le parle, et celui qui le parle sera un barbare pour moi. » (v.11)


Être un barbare

Qu'est-ce qu'un barbare dans ce texte ? Il ne s'agit pas d'une brute épaisse aux longs cheveux sales... On ne parle pas de Conan le Barbare !

Un problème de compréhension

Les anciens Grecs utilisaient ce mot (barbaros) pour désigner les autres peuples qui n'appartenaient pas à leur civilisation. Quand ils parlent, on n'entend que des sons indistincts : « bar-bar »... Bref, le barbare, c'est celui qui ne parle pas ma langue, que je ne comprends pas.

Le problème à Corinthe, c'est que le culte était vécu dans un tel désordre qu'il en devenait incompréhensible. Beaucoup de bruit, certes, mais pas des paroles édifiantes. Ils étaient réunis mais ne communiquaient pas vraiment les uns avec les autres. Et quand des gens extérieurs assistaient à leur culte, ils les prenaient pour des fous !
C'est pourquoi Paul résume la situation en disant qu'à Corinthe, les croyants se conduisaient comme des barbares... Leur culte, c'était du brouhaha !

Nous sommes tous le barbare de quelqu'un

Mais en réalité, il est facile d'être des barbares dans ce sens... On est tous un peu le barbare de quelqu'un.

Y compris dans l'Eglise... Il y a des gens avec qui le courant passe bien. On se comprend parce qu'on a vécu un peu les mêmes choses, on a reçu une éducation similaire, on a des centres d'intérêts commun, etc... Mais il y en a d'autres avec qui ça coince ! On a vraiment l'impression d'être étrangers l'un à l'autre, des gens, et même des frères dans la foi, dont on a du mal à comprendre l'attitude ou la manière d'être.

Et c'est encore plus facile d'être barbare pour un non croyant. Vous ne pensez pas que quelqu'un qui n'est pas chrétien, qui n'a pas de culture chrétienne ou de connaissance de la Bible et qui entre dans un culte, nous prendra un peu pour des barbares ? Vous ne pensez pas que certaines paroles de cantiques, des expressions dans nos prières, le vocabulaire de certaines prédications, sont tout simplement incompréhensibles pour eux ?

En tout cas, si on veut faire preuve d'ouverture, on ne peut pas se satisfaire d'un tel constat !


Ne plus être un barbare...

Comment faire pour ne plus être un barbare pour les autres ? En quoi notre texte peut nous y aider ? Il y est beaucoup question de parler : parler en langue, parler en prophète, etc... Parler, c'est bien, si on est compris. Sinon, c'est inutile ! Parce que la perspective soulignée par Paul doit rester l'édification : que les paroles construisent, encouragent, réconfortent (cf. v.3).

Mais pour cela, on ne peut pas se contenter de parler...

Ecouter

Avant de parler, il faut écouter. Ecouter pour apprendre à connaître, pour apprendre à se comprendre... D'ailleurs, plus loin dans le chapitre, quand Paul donne des instructions pratiques aux Corinthiens, il insiste sur l'importance de l'écoute autant que de la parole.

Plus largement, prendre le temps de l'écoute du frère ou de la soeur dans l'Eglise, c'est se donner les moyens de faire connaissance. Est-ce que nous faisons cet effort ? Est-ce qu'on ne se contente pas de se côtoyer au culte mais en restant un peu des étrangers les uns pour les autres ? Combien de temps avez-vous discuté à la fin du culte avec des gens que vous ne connaissez pas bien ? Combien de personnes de l'Eglise avez-vous invitées ces derniers mois pour faire meilleure connaissance ?

L'impératif de l'écoute existe aussi en ce qui concerne les non croyants... Parce que le bon chrétien, dans sa bulle évangélique, s'il perd contact avec la réalité, a vraiment l'impression décrite par Paul : être un barbare pour celui qui parle, et avoir l'impression que l'autre est un barbare pour lui.  Mais cela implique de garder contact avec le monde. Et pas seulement dans les contacts « contraints », au boulot par exemple. Mais avoir des amis (et pas seulement comme des cibles à évangéliser), avoir une vie associative, culturelle, lire (et pas seulement la Bible et les magazines chrétiens !)

Traduire

Avant de parler, il faut écouter... et au moment de parler, il faut aussi faire l'effort de traduire. C'est ce qui est dit dans ce chapitre à propos du parler en langues. S'il n'est pas interprété, qu'on se taise dans l'Eglise !

Je pense qu'on peut en tirer une leçon plus large : si on veut être compris, il faut sans cesse faire l'effort de la traduction, non seulement de nos paroles mais aussi de nos actes, de notre façon de vivre la foi, afin d'être compris.

C'est un travail exigeant, déstabilisant parfois, mais important pour l'impact de notre témoignage. C'est tout simplement une nécessité pour une Eglise qui se veut caractérisée par l'ouverture ! Au risque, sinon, de former plus un club privé qu'une Eglise ouverte...

Cette démarche de « traduction » implique une réflexion sur nos cultes et nos activités, sur nos projets, une ouverture d'esprit pour être prêt à se remettre en question. Ça demande aussi une implication personnelle de chacun, parce que les structures et les plannings ne peuvent pas suffire... cette « traduction » doit s'incarner en chacun de nous, dans nos relations les uns aux autres, notre témoignage au quotidien.

Ecouter avant de parler, et traduire pour être compris. Voilà deux impératifs de l'ouverture !


Conclusion

Il y a une ouverture dont nous n'avons pas parlé et qui est pourtant essentielle. C'est l'ouverture sur Dieu ! N'a-t-il pas lui-même fait preuve d'une ouverture extraordinaire en devenant l'un des nôtres en Jésus-Christ et en venant habiter en nous par son Esprit ? Il nous comprend, il nous connaît, il nous aime.

C'est dans l'ouverture sur Dieu, vécue personnellement et communautairement, que nous fonderons notre ouverture les uns sur les autres et sur le monde. Pour que nous ne soyons plus des barbares ou des étrangers les uns pour les autres, mais des frères et des soeurs. Voilà ce que l'on peut viser en voulant être une Eglise caractérisée par l'ouverture !

Pour aller plus loin...

Questions bibliques et théologiques
Lisez 1 Corinthiens 14.22-25.

• A l'aide de l'illustration des versets 23-25, quel peut être le sens du mot « signe » au verset 22 ?
• D'après les versets 24-25, et à la lumière de notre texte, quel sens donnez-vous à la « prophétie » dans ce chapitre ? Comment peut-elle se manifester aujourd'hui ?

Questions personnelles
Dans mon Eglise, qui sont encore des étrangers pour moi ? Que pourrais-je faire pour que cela change ?