Participer à la Cène : c'est dangereux ?

Publié le 6 Juin 2010

 

Cene.jpgLecture biblique : 1 Corinthiens 11.20-34

 

Chaque dimanche, nous célébrons la Cène. Nous rappelons les mêmes paroles d'institution, nous faisons les mêmes gestes, nous prenons le temps aussi d'en rappeler le sens en quelques mots. 


Les listes de lectures pour le dimanche nous propose ce texte de 1 Corinthiens pour ce matin. Il nous permettra de prendre un peu plus de temps pour réfléchir à ce rite que nous perpétuons tout au long de l'année. D'autant qu'il y a aussi dans ce textes des remarques de l'apôtre Paul qui méritent quelques explications : que signifie s'examiner soi-même ? Et être coupable envers le corps et le sang du Seigneur ? Et manger et boire un jugement contre soi-même ? Et ces maladies et ces infirmités dont il parle, quel lien ont-elles avec la Cène ? Serait-il dangereux de prendre part à la Cène ?


La Cène à Corinthe : un repas mais chacun pour soi !


Dans l'Eglise primitive en général, la Cène était célébrée au cours d'un vrai repas.


Mais l'Eglise de Corinthe était marquée par des divisions qui se manifestent jusque dans le culte. Les uns, riches, se goinfraient, les autres, pauvres, les regardaient manger !  Il n'y avait aucune conscience d'appartenir à un corps solidaire (une image développée au chapitre suivant...). 


Paul doit recadrer les choses. Il le fait par deux mises en garde :

- Ne pas manger le pain et boire la coupe indignement

- Ne pas manger sans discerner le corps


Ne pas manger le pain et boire la coupe indignement


C'est une référence directe à la façon indigne de célébrer la Cène à Corinthe !


La Cène n'est pas un moment comme les autres... L'attitude indigne des Corinthiens ne fait pas offense seulement à du pain et une coupe mais au Christ lui-même, son corps et son sang, que les éléments de la Cène représentent. Voilà ce que signifie « être coupable envers le corps et le sang du Seigneur. »


Dans l'esprit de Paul il s'agit plus que d'une image. Sans tomber dans la doctrine de la transsubstantiation, il faut bien avouer qu'il y a bien quelque chose qui se passe au cours de la Cène. Même si, matériellement, le pain reste du pain et le vin du vin, ils représentent bien plus que du pain et du vin !


L'enjeu est important, mais le but de cette mise en garde n'est pas d'écarter de la Cène ceux qui en seraient indignes : Paul ne dit pas « que chacun s'examine lui-même et qu'il s'abstienne de manger le pain et boire la coupe » mais « Et qu'ainsi il mange du pain et boive de la coupe. »  Le but est de prendre la Cène, pas de s'en abstenir ! Mais de la prendre en toute connaissance de cause, avec foi et dignité. 


Participer à la Cène, c'est proclamer sa foi. Quelle image de la foi véhicule notre façon de célébrer la Cène ? 


Ne pas manger sans discerner le corps


Le texte ne parle pas de discerner le corps et le sang, ce qui ferait référence au pain et à la coupe, mais de discerner le corps. Or, qu'est-ce que le corps du Seigneur, sinon l'Eglise ? 


Cf. au chapitre précédent, sur le même sujet de la Cène :

1 Corinthiens 10.16-17

La coupe de bénédiction, sur laquelle nous prononçons la bénédiction, n'est-ce pas une communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n'est-ce pas une communion au corps du Christ ? Puisqu'il y a un seul pain, nous, la multitude, nous sommes un seul corps ; car nous partageons tous le même pain.


Le but de cette deuxième mise en garde est de rappeler l'importance de prendre la Cène en tant que corps du Christ que nous formons ensemble. 


Et si les malades et les infirmes que Paul évoque étaient ceux qui souffrent de l'absence de solidarité, l'absence de corps entre les membres de l'Eglise de Corinthe ? S'il y a tant de malades et d'infirmes parmi vous, c'est parce que vous ne vous en occupez pas, c'est parce que règne le chacun pour soi, c'est parce que vous ne vous discernez pas en tant que corps solidaire. 


Si vous preniez soin des plus faibles parmi vous, si vous priiez les uns pour les autres, tout cela n'arriverait pas. Le v. 31 « si nous nous jugions nous-mêmes » utilise le même verbe traduit par discerner au v.29, de telle sorte qu'on pourrait aussi traduire « si nous nous discernions nous-mêmes », on pourrait ajouter « en tant que corps du Christ »... nous ne serions pas jugés. 


Le fait de prendre la Cène au cours d'un repas favorise cette dimension de communion entre frères et soeurs (mais ne la garantit pas : cf. Corinthe !). Le fait de le vivre assis en rangs au culte n'y aide pas trop... Faisons au moins l'effort de regarder celui qui nous tend le pain et la coupe !


Les mises en garde de Paul ici ne sont pas du tout, comme on le comprend parfois, un appel à l'introspection. Cela donnerait une vision purement individualiste de la Cène. Chacun pour soi, devant Dieu... Et les autres alors ? Et le corps du Christ que nous formons ? 


Au contraire, c'est un appel à regarder non à soi mais au Christ que nous proclamons et aux frères et aux soeurs dont nous sommes solidaires. Ici encore, la façon de vivre la Cène dit quelque chose de la façon de vivre notre foi... Centrée sur nous-mêmes ou centrée sur le Christ et notre prochain ?



Conclusion


Il n'est pas dangereux, en soi, de prendre part à la Cène ! Il ne s'y passe rien de magique ou de surnaturel qui nous exposerait à un danger potentiel !


Par contre, y prendre part n'est pas anodin et le moment de la Cène n'est sans doute pas un moment comme les autres au cours du culte. C'est pour cela que Paul insiste sur l'importance de la vivre dans la dignité. 


Aujourd'hui, la Cène est intégrée dans la liturgie et vécue de façon assez solennelle. Je pense que c'est légitime et ça permet sans doute de préserver cette dignité. Mais il y a probablement un risque...


Je me demande notamment si elle n'est pas trop souvent vécue aujourd'hui de façon individualiste. Dans l'introspection et non dans la communion. Et je me demande si ce n'est pas le reflet aussi d'une foi vécue de façon assez individualiste. 


Dans la Cène comme dans notre vie d'Eglise et de foi, il ne faut pas oublier de discerner le corps du Christ dont nous sommes les membres solidaires.

 


questionPour aller plus loin...

Pour prolonger la réflexion, voici quelques questions bibliques et/ou personnelles...

 

 

 


Questions bibliques et théologiques

Paul insiste sur la dimension communautaire de la Cène. Que peut-on dire de cette dimension à propos de l'autre sacrement, celui du baptême ?

- Pour reprendre les termes de Paul à propos de la Cène, que pourrait être un baptême pratiqué « indignement » ? 

- Quel lien théologique y a-t-il entre la baptême et la Cène ?


Questions personnelles

En tant que chrétien, me suis-je déjà abstenu de prendre part à la Cène ? Pour quelle raison ? 

- Etait-ce justifié bibliquement (à la lumière de notre texte ou d'autres) ?

- Aujourd'hui, qu'est-ce qui m'empêcherait de prendre part à la Cène ?


 

 

Rédigé par Vincent

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C
<br /> Le pain et le vin<br /> <br /> Le pain, représente notre nourriture quotidienne nécessaire à la vie terrestre, mais aussi comme symbole de la Parole de D'ieu, nourriture spirituelle céleste<br /> Le vin, représente le sang lui aussi nécessaire à la vie, mais aussi comme fruit de la vigne et de l'esprit, symbole de joie, la joie de l'esprit, et non ivresse<br /> La vie terrestre est là pour nous aider à comprendre la vie spirituelle, et y donner tout son sens<br /> <br /> C'est comme "le pain et le vin", le pain peut nous sembler nécessaire et le vin secondaire, et pourtant l'un ne va pas sans l'autre<br /> D'ieu nous invite chaque dimanche à nous rappeler le juste équilibre à trouver dans nos vies, entre le terrestre et le céleste, entre le nécessaire et le secondaire<br /> Comment immaginer le pain sans le vin, le corps sans le sang, une vie terrestre sans vie céleste, une vie spirituelle sans joie, une église sans tête ni corps ni esprit ..<br /> Ainsi chaque dimanche, en "comm-union" au pain et au vin, nous pouvons nous nourrir et nous réjouir, et nous rappeler que l'un ne vas pas sans l'autre<br /> <br /> <br />
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