Les béatitudes (2) "Heureux les pauvres en esprit..."

Publié le 14 Février 2010

Lectures complémentaires : Mt 6.19-21, Mt 19.23-26

Qui sont les « pauvres en esprit » ?

Pas les pauvres d'esprit, les simples d'esprit ! Cette béatitude n'est pas l'éloge de la folie, de la stupidité, ou même de la naïveté... D'ailleurs dans le parallèle de Luc 6.20, il est dit : « heureux les pauvres... »

Est-ce alors un éloge de la pauvreté ? Non, pas vraiment. Ce n'est pas la pauvreté en elle-même qui est souhaitable. La pauvreté, c'est aussi des souffrances, des difficultés, des incertitudes quant au lendemain.

Mais il y a quelque chose de la pauvreté qui appartient aux valeurs du Royaume de Dieu. La Bible de Jérusalem traduit “Heureux ceux qui ont une âme de pauvre”

Comme Jésus invite ailleurs à redevenir comme des petits enfants pour entrer dans le Royaume de Dieu, il nous invite ici à garder une âme de pauvre pour ce même Royaume des cieux.

Garder une « âme de pauvre »

Etre pauvre, c'est être petit, faible, dépendant des autres... Avoir une « âme de pauvre », c'est se reconnaître démuni sur tous les plans et ayant besoin de Dieu dans tous les aspects de sa vie. C'est finalement proche du petit enfant auquel il faut ressembler pour entrer dans le Royaume de Dieu...

Cette « âme de pauvre » induit un comportement. Quand on est pauvre, on se débrouille. C'est le système D. On ne gaspille pas. Le peu qu'on a, on l'utilise à bon escient. On peut se réjouir des petites choses, on n'est pas blasé. On ne fait pas la fine bouche... comme les enfants gâtés.

Un tel comportement correspond-il à notre vie chrétienne ? Notre vie tout court ? Se réjouir des petites choses et utiliser au mieux le peu que l'on a !

Jésus lui-même n'était-il pas pauvre ? Ou plus précisément, il s'est fait pauvre... Il a renoncé à la gloire céleste (cf. Philippiens 2). « Lui qui était riche, il s'est fait pauvre à cause de vous, pour que, vous, par sa pauvreté, vous deveniez riches. » (2 Co 8.9)

Preuve qu'être pauvre en esprit, ce n'est pas renoncer à toute richesse... Mais c'est ne pas se tromper de richesse !

Faire attention aux pièges des richesses

Les dangers liés aux richesses, à l'abondance de biens matériels font l'objet de mises en garde sévères dans le Nouveau Testament.

Avec la richesse vient bien souvent l'orgueil d'une fausse sécurité. S'il est évident qu'il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade, il faut se méfier de l'illusion de sécurité donnée par les biens matériels.

Un autre danger est l'emprise que les richesses ont sur ceux qui en amassent. Au point qu'on ne sait plus si ce sont les riches qui possèdent les richesses et les richesses qui possèdent les riches ! C'est pour cela que Jésus personnifie les richesses en Mamon...

Il y a même des richesses spirituelles illusoires... Voyez dans la lettre à l'Eglise de Laodicée : "Parce que tu dis : « Je suis riche, je suis devenu riche, je n'ai besoin de rien », sans savoir que, toi-même, tu es misérable, pitoyable, pauvre, aveugle et nu, je te conseille de m'acheter de l'or purifié par le feu, afin que tu deviennes riche..." (Apocalypse 3.17-18).

Il y a aussi l'orgueil spirituel de « posséder » tel ou tel don, d'avoir « amassé » telles ou telles expériences, de « collectionner » tant de fruits dans son évangélisation...

Finalement, être pauvre en esprit, c'est aussi, simplement, être humble... Et les richesses, ou simplement le sentiment d'être riche, sont une porte ouverte sur l'orgueil...

Se concentrer sur les richesses « dans le ciel »

Et pourtant il y a bien des richesses que l'on peut amasser, non pour satisfaire notre orgueil mais pour la gloire de Dieu.

« Le Royaume des cieux est à vous... » Peut-on être pauvre quand on possède un royaume ? Ce Royaume n'est pas de ce monde... mais ses richesses ne sont pas non plus éphémères comme celles de ce monde !

« Amassez-vous des trésors dans le ciel... » Cette expression indique la nature des trésors. Ils n'appartiennent pas à ce monde mais au ciel. Ce sont des trésors qui ne se détériorent pas et qu'on ne peut se faire voler. Le message n'est pas « vous amassez des trésors pour plus tard » mais « vous amassez des trésors de nature céleste », c'est-à-dire qui appartiennent au Royaume de Dieu.

Finalement, quel est ce trésor sinon le Royaume des cieux lui-même ? Et ce Royaume n'est pas pour demain seulement, il a commencé aujourd'hui. Ce n'est pas « le Royaume des cieux sera à eux » mais « est à eux » !

Nous en profitons déjà aujourd'hui, dans les manifestations du Royaume de Dieu. Le premier trésor étant la présence, en nous, par son Esprit, de Dieu lui-même. Et puis il y a l'appartenance au peuple du Royaume de Dieu, et le fait de vivre la solidarité et la communion fraternelle.

Conclusion

Ni éloge de la pauvreté ni éloge de la naïveté, cette première béatitude est l'éloge de l'humilité. Celle de celui qui sait garder une âme de pauvre pour vivre dans la dépendance de Dieu et se réjouir des petites choses. Celle qui sait déjouer les pièges des richesses de ce monde. Celle qui sait reconnaître que les vraies richesses sont « dans le ciel », donc quelles viennent de Dieu.

Heureux ceux qui ont su garder une âme de pauvre, car en réalité ils sont riches : le Royaume des cieux est à eux ! Y a-t-il un plus grand trésor ?

Pour aller plus loin...

Pour prolonger, de façon biblique et/ou personnelle, la méditation du texte biblique, voici quelques questions...

Questions bibliques et théologiques

Comment comprendre Jacques 5.1-6 à la lumière de cette première béatitude (et des deux lectures complémentaire : Mt 6.19-21 et 19.23-26) ?

Le NT exclut-il la possibilité d'être riche sur le plan matériel et d'être heureux, au sens des béatitudes ?

Questions personnelles

Où est-ce que je place ma sécurité, dans ma vie personnelle, dans ma foi ?

Quelles sont les richesses « dans le ciel » dont je profite aujourd'hui ?