Le mec bien et le mec louche

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Pour certains, qui étaient persuadés d'être des justes et qui méprisaient les autres, Jésus dit cette parabole :

Deux hommes montèrent au temple pour prier; l'un était pharisien, et l'autre collecteur des taxes.

Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : « O Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou encore comme ce collecteur des taxes : je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. »

Le collecteur des taxes, lui, se tenait à distance; il n'osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine et disait : « O Dieu, prends en pitié le pécheur que je suis ! »

Eh bien, je vous le dis, c'est celui-ci qui redescendit chez lui justifié, plutôt que celui-là. Car quiconque s'élève sera abaissé, mais celui qui s'abaisse sera élevé.

Luc 18.9-14

Jamais on ne prierait comme ce pharisien ! Jamais ! Enfin... pas à haute-voix en tout cas. D'ailleurs, c'était aussi son cas : c'est « en lui-même » qu'il dit cette prière.

Imaginez un temps de prière libre le dimanche matin au culte. Mais avec une innovation technologique : plus besoin de parler, la sono est capable de lire vos pensées et de diffuser dans les hauts-parleurs ce que vous priez en silence dans votre coeur !

Il y aurait sans doute de très belles prières... mais peut-être aussi d'autres qu'on préférerait garder secrètes ! Et peut-être des prières qui ressembleraient à celle du pharisien :

• « Merci Seigneur parce que je suis un bon chrétien : j'ai lu ma Bible tous les jours cette semaine ! »
• « Heureusement que je ne suis pas comme certains qui sont assis à côté de moi, hypocrite comme celui qui est assis au premier rang ! »
• « Heureusement qu'on est une Eglise équilibrée, pas comme ces illuminés d'à côté ! »

Deux hommes

D'un côté un pharisien. Un religieux respectable et respecté, très à cheval sur le respect des lois religieuses.

De l'autre côté un collecteur de taxes. Un homme mal vu parce qu'il travaillait pour l'occupant romain... et parce que leur réputation, parfois méritée, faisait d'eux des gens malhonnête qui s'en mettaient plein les poches.  

Le Pharisien, aujourd'hui, pour nous, ça pourrait être un bon chrétien, membre d'une Eglise, ou mieux, un membre du Conseil de l'Eglise, ou même un pasteur ! Il vient au culte tous les dimanches, il donne une part de ses revenus à l'Eglise, il participe même aux réunions de prière ou aux études bibliques ! Bref, un mec bien !

Le collecteur de taxe, c'est quelqu'un qui ne correspond pas du tout au profil du bon chrétien évangélique de base. Peut-être à cause de son look, des gens qu'il fréquente, de son langage, de certaines de ses pratiques... Ce serait peut-être un SDF que vous croisez habituellement au bas de chez vous à faire la manche, ou un gars qui entrerait dans l'église une clope au bec, des piercings et des tatouages partout et mal rasé... Bref, un mec louche !

Et comme souvent dans l'Evangile, il ne faut pas se fier aux apparences. Celui qui finalement est juste devant Dieu, ce n'est pas le mec bien mais le mec louche !

Deux prières

La prière du pharisien est une action de grâce. Il a une bonne opinion de lui-même. Il jeûne deux fois par semaine et donne la dîme de tous ses revenus. Même pendant la crise ! Quand même... Il remercie Dieu pour le fait qu'il soit un si bon croyant, au-dessus du lot !

La prière du collecteur de taxes est une demande de pardon. Il n'a pas la conscience tranquille. Il n'ose même pas lever les yeux au ciel en priant. Il n'est pas fier de lui... Il ne cherche ni excuses ni circonstances atténuantes. Il demande pardon : « prends en pitié le pécheur que je suis... »

Jésus ne veut pas dire que les prières d'humiliation sont meilleures que les prières d'action de grâce. Il y a place bien-sûr pour des prières d'action de grâce et certaines prières d'humiliation peuvent être tout aussi hypocrites que d'autres prières ! Mais ici, ces deux prières traduisent l'intention du coeur : L'action de grâce du pharisien traduit son orgueil, la demande de pardon du collecteur de taxes traduit son humilité...

Et comme le dit Jésus en conclusion : « quiconque s'élève sera abaissé et celui qui s'abaisse sera élevé... » Et c'est le collecteur de taxes qui a été entendu par le Seigneur !

Deux regards

Au-delà des prières, dans cette parabole, ce sont les regards que portent les deux hommes sur eux-mêmes et sur les autres qui sont significatifs.

Le pharisien est debout et la tête haute. Sans doute les yeux ouverts puisqu'il fait référence au collecteur de taxes qui prie en même temps que lui. Quand il se regarde lui-même, il se trouve finalement assez bien. Et quand il se compare aux autres, il se trouve encore mieux ! Surtout qu'il met tout le monde dans le même sac, le collecteur de taxes qui prie à côté de lui aussi !

Le collecteur de taxe est courbé et ne se soucie pas de se comparer aux autres. Humble, devant Dieu, il ne peut compter que sur son pardon... Et c'est bien ce qu'il obtient. La conclusion apportée par Jésus est très claire : c'est lui qui redescendit justifié du temple. 

Si le collecteur de taxes porte un regard lucide sur lui-même, c'est parce qu'il a un coeur humble. Le pharisien, lui, est fier de lui... parce que son coeur est gonflé d'orgueil. Et le problème, c'est que l'orgueil rend bigleux !

Le pharisien est incapable de voir clair, le regard qu'il porte sur lui-même est faussé, le regard qu'il porte sur les autres est faussé. L'orgueil pousse au jugement et à la comparaison. Et juger les autres et se comparer à eux quand on ne voit pas clair, c'est un peu compliqué... 

Résultat : Le pharisien, s'estimant lui-même juste, ne redescendra pas justifié... et il ne s'en rendra même pas compte, persuadé qu'il est d'être un mec bien ! Le collecteur de taxes, s'estimant lui-même indigne, redescendra justifié... parce qu'il aura compris son besoin de la grâce de Dieu. 

Conclusion : Mieux vaut être un mec louche et humble qu'un mec bien et vaniteux. Parce que l'humilité rend lucide alors que l'orgueil rend bigleux. 

Conclusion

Rassurez-vous, la machine capable de lire nos pensées et les retranscrire de façon audible n'existe pas encore ! 

Mais en réalité, ce ne sont pas tellement nos prières, même silencieuses, que cette parabole interroge mais notre regard. Notre regard sur nous-mêmes, et notre regard sur les autres. 

N'oublions jamais que l'orgueil rend bigleux ! Préférons les lunettes de l'humilité, seules capables de nous donner un regard lucide sur nous-mêmes et sur les autres. La lucidité de comprendre que nous avons toujours besoin de la grâce de Dieu. La lucidité de reconnaître que nous n'avons jamais le droit de nous poser en juge de notre prochain. 

Pour aller plus loin...

Pour prolonger la réflexion, voici quelques questions bibliques et/ou personnelles...

Questions bibliques et théologiques

D'autres textes de l'évangile de Luc évoquent des collecteurs de taxes. Lisez ces textes (Luc 5.27-32, 7.28-35, 15.1-2, 19.1-10), comparez-les à notre texte et essayez d'en dégager les points communs.

• Dans l'évangile de Luc, que représentent les collecteurs de taxes ?
• Avec qui sont-ils associés ? A qui sont-ils opposés ?
• Qu'est-ce que cela nous apprend sur le Royaume de Dieu ?

Questions personnelles

Dans quels domaines ai-je tendance à me comparer aux autres ? Est-ce que j'ai tendance à me sentir supérieur ou inférieur aux autres ? 

• En quoi cette parabole peut-elle m'aider à avoir un regard plus juste sur moi-même et sur les autres ?